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Une cérémonie d'ouverture satanique ?

"blasphème", "satan", "sodome" ... Au lendemain matin de la cérémonie d'ouverture de Paris2024, la toile s'agite, reprenant des images jugées choquantes et insultantes envers les chrétiens. La cérémonie orchestrée par le metteur en scène Thomas Jolly fait réagir.


L'élément déclencheur ? Un tableau jugé comme étant une reproduction de la célèbre toile de Léonard de Vinci reprenant la Cène, le dernier repas de Jésus de Nazareth. On y voit dans le spectacle de l'ouverture des JO Paris 2024 une femme portant un nimbe (Un nimbe est un cercle, une auréole, que les artistes placent, depuis l'Antiquité, autour de la tête des personnages sacrés), entourée de plusieurs dragQueen. Le symbole ne passe pas. "Wokisme, blasphème, insulte aux chrétiens", les commentaires vont bon train sous les hashtags du réseau social X (ex Twitter). Marion Maréchal Le Pen publie même un message d'excuse, en anglais et en français : " À tous les chrétiens du monde qui regardent la #cérémoniedouverture et se sont sentis insultés par cette parodie drag queen de la Cène, sachez que ce n’est pas la France qui parle mais une minorité de gauche prête à toutes les provocations."

Damien Rieu qui, d'habitude, est un fervent défenseur du droit de blasphémer et qui avait ouvertement défendu Mila lors de l'affaire qui la mettait en confrontation, s'insurge du blasphème fait contre les catholiques.

Accusé d'avoir organisé une messe noire LGBT, Thomas Jolly voit les images de ses tableaux reprises et commentées unes à unes pour être comparées à des allusions satanistes. Tout d'abord, les enfants menés dans les catacombes de Paris, mais aussi une omniprésence de tons rouges, notamment au moment du tableau jugé très choquant de la décapitation de Marie-Antoinette. Le groupe de Métal scandant "Hail Satan", le fameux tableau de la Cène avec des artistes DragQueen, puis l'apparition de Philippe Katerine nu, le cavalier sur la Seine jugé conforme à la description apocalyptique du cavalier blanc ... La liste est longue et les commentaires ne cessent de grimper, on en compte plusieurs dizaines de milliers.

En France, le delit de blasphème n'existe plus dans le Code pénal depuis la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. On peut ouvertement critiquer une religion au nom de la liberté d'expression, ou en reprendre des points de manière artistique. Cela avait d'ailleurs été largement traité dans les médias lors de l'affaire des caricatures. D'ailleurs, la liberté d'expression, même dans la critique religieuse fait partie du programme scolaire français. Les enseignants sont libres de choisir les supports pour illustrer leurs cours, certains choisissent de prendre des caricatures religieuses et de nombreux sites de ressources pédagogiques proposent des séquences toutes prêtes sur le sujet (Eduscol par exemple : «Les libertés d'expression et de la presse sont au cœur de l'objet « Acquérir et partager les valeurs de la République ». Dans le but d'« identifier et de reconnaître les libertés fondamentales » et de connaître « les expressions littéraires et artistiques et connaissances historiques de l'aspiration à la liberté », la tribune peut être mise en perspective pour définir la liberté de la presse comme une caractéristique fondamentale de la démocratie, mettre en perspective les combats menés pour la garantir et les nouveaux défis auquel elle doit faire face »).

En ce qui concerne le satanisme, l'art est une forme d'expression subjective qui peut être interprétée de différentes manières selon nos perspectives individuelles. Les allusions satanistes relevées lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques Paris 2024 illustrent bien cette diversité d'interprétations. Chacun peut y voir des symboles différents en fonction de ses croyances, de sa culture et de son point de vue personnel. Cette polyvalence de l'art permet à chacun de ressentir et de percevoir des significations uniques, même au sein d'événements aussi médiatisés que les Jeux Olympiques.

Dans l'art saint, il convient effectivement de reconnaître que plusieurs éléments présents lors de la cérémonie peuvent être qualifiés d'explicites.

LA COULEUR ROUGE : en art saint, il n'y a pas de couleur intrinsèquement satanique. Les couleurs ont des significations symboliques variées selon les cultures et les contextes artistiques. Dans certaines traditions, le rouge peut représenter des notions de passion, de sacrifice ou de sang, mais cela ne le rend pas automatiquement satanique. Les interprétations des couleurs en art dépendent souvent des symboliques propres à chaque œuvre ou à chaque contexte artistique spécifique.

LE VEAU D'OR : Une tête de bovin présent au moment de la levée du drapeau olympique et du chant de l'hymne a été assimilée à la thématique du veau d'or, d'ailleurs présente dans le judaïsme, le christianisme et l'islam. Il y a trois récits de l'épisode du veau d'or du livre de l'Exode 32,1 : le premier se trouve à la sourate 2, versets 91 et 92, le second à la sourate 7, versets 148 à 152, et le troisième à la sourate 20, versets 86 à 97. Dans l'art saint, le veau d'or est généralement représenté comme une représentation de l'idolâtrie et de la désobéissance aux commandements divins. Il faut néanmoins préciser que dans l'esprit olympique, le veau peut aussi être associé à Milon de Crotone, un champion de lutte des jeux panhelleniques en 510/530 avant Jésus-Christ. Il aurait commencé sa carrière en portant sur ses épaules chaque jour un jeune veau. Le veau étant devenu adulte, il continuait à le soulever aisément, cet entraînement légendaire étant à l'origine du proverbe grec « qui l'a bien porté veau peut le porter taureau ». Notons quand même que la statue de l'artiste Paul Jouve intitulée "tête de taureau et daim bondissant" présente sur le Trocadéro depuis des décennies date de 1937 et n'est donc pas un élément imaginé spécifiquement pour la cérémonie.

LE CAVALIER BLANC : Le porteur de flamme est apparu sur un cheval blanc/argenté traversant la Seine. En art saint, cette figure est fréquemment associée à des représentations bibliques, telles que l'Apocalypse, où le cavalier blanc est souvent interprété comme le Christ ou un messager divin apportant la paix et la justice. Il est vrai que dans certaines interprétations, le cavalier blanc peut aussi être associé à l'Antéchrist, en opposition à la représentation traditionnelle du Christ. Cette interprétation divergente peut découler de différentes lectures des textes bibliques, notamment de l'Apocalypse. Mais dans un contexte olympique très lié à la mythologie grecque, ce cheval qui apparaît au fil de la cérémonie comme étant ailé par un effet de lumière et de placement peut être lié à Pégase, la célèbre créature mythologique grecque. Ce cheval ailé est connu pour avoir surgi de la tête de Méduse la gorgone après sa décapitation par Persée. Doté de la capacité de voler grâce à ses ailes, Pégase est souvent associé à des exploits héroïques, notamment dans des récits comme la capture de la chimère.

LA CÈNE : La présence de Philippe Katerine devant ce qui a été compris comme étant une reprise de la Cène peut être associée, dans un contexte olympique lié à la mythologie grecque, à Dionysos, vénéré comme le dieu de l'extase, de la fertilité et du vin. Il est souvent représenté comme un dieu joyeux et exubérant, symbolisant le cycle de la vie, de la mort et du renouveau. Son culte était souvent célébré à travers des rituels orgiaques et des fêtes bacchanales, où ses fidèles se livraient à des danses, des chants et des libations de vin en son honneur.

En conclusion, la cérémonie des JO Paris2024 a pu heurter la sensibilité des plus croyants (et pas forcément que des chrétiens puisque les musulmans reconnaissant Jésus en qualité de Messie sont également offensés lorsque ce dernier est caricaturé et moqué) mais elle reflète la volonté française de rester forte dans ses convictions malgré les attaques que la nation a connues sur son territoire, revendiquées par des "motifs religieux". Cette manifestation a mis en lumière et réaffirmé la position de la France en faveur de la laïcité dite"à la française", qui inclut la neutralisation du fait religieux dans l'espace public, y compris la notion de blasphème.

De plus, en France, l'influence de la mythologie grecque est omniprésente à travers divers aspects de la culture et de l'architecture. Par exemple, le Palais de l'Élysée, résidence officielle du président français, tire son nom de l'Elysium, le lieu de repos des âmes vertueuses dans la mythologie grecque. De plus, des églises emblématiques comme la Madeleine à Paris présentent des caractéristiques architecturales qui rappellent les temples grecs, soulignant l'impact durable de la mythologie sur l'art et l'architecture en France. Cette fusion entre la mythologie grecque et la culture française se retrouve également dans d'autres domaines tels que la littérature, la peinture et la sculpture, témoignant de la fascination continue pour les récits et les symboles de la Grèce antique dans la société française.

La cérémonie d'ouverture et ses détails imaginés par Thomas Jolly ont probablement voulu illustrer cela. Il répondra très certainement aux polémiques dans les instants à venir.
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